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Le père Goriot

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Cette pièce est dans tout son lustre au moment où, vers sept heures du matin, le chat de madame Vauquer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent plusieurs jattes couvertes d'assiettes, et fait entendre son rourou matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis; elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d'église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s'est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire l'air chaudement fétide sans en être écoeurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d'automne, ses yeux ridés, dont l'expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l'amer renfrognement de l'escompteur, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. Le bagne ne va pas sans l'argousin, vous n'imagineriez pas l'un sans l'autre. L'embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d'un hôpital. Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s'échappe par les fentes de l'étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est complet. Agée d'environ cinquante ans, madame Vauquer ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs. Elle a l'oeil vitreux, l'air innocent d'une entremetteuse qui va se gendarmer pour se faire payer plus cher, mais d'ailleurs prête à tout pour adoucir son sort, à livrer Georges ou Pichegru, si Georges ou Pichegru étaient encore à livrer. Néanmoins, elle est bonne femme au fond, disent les pensionnaires, qui la croient sans fortune en l'entendant geindre et tousser comme eux. Qu'avait été monsieur Vauquer? Elle ne s'expliquait jamais sur le défunt. Comment avait-il perdu sa fortune? Dans les malheurs, répondait-elle. Il s'était mal conduit envers elle, ne lui avait laissé que les yeux pour pleurer, cette maison pour vivre, et le droit de ne compatir à aucune infortune, parce que, disait-elle, elle avait souffert tout ce qu'il est possible de souffrir.
Balzac nous fait part de la description de la pension à Mme Vauquer. C'est une pension de famille situé à Paris en 1819. 
Le roman s'ouvre sur la description détaillée et statique de la pension Vauquer et il enchaîne par la description dynamique des personnages. 
Nous avons Mme Vauquer au saut du lit. Pour Balzac, il s'agit de montrer le personnage et les lieux où il vit. Le décor a été modelé par le personnage et le décor agit sur ce personnage : c'est une interaction entre le décor et le personnage. Aussi, on va assister à la physiognomonie : le rapport entre physique et caractère. 



I ) LE PORTRAIT PHYSIQUE ET LE CARACTERE : REALISME ET IRONIE 
Balzac va faire un portrait critique de Mme Vauquer : il utilise l'ironie 

A ) Traits de caractère 
1°) Coquetterie et vanité 
Vauquer a des faux cheveux (l.5-6). 
Elle est « attifée » (l.5). Elle n'a pas eu le temps de bien placer sa perruque. 
De même, elle a « un bonnet de tulle » (l.5). C'est une dentelle pas coûteuse. 

2°) Laisser - aller 
Elle marche en traînassant ses pantoufles (l.6). 
Cela lui donne une certaine mollesse s'opposant à la vivacité du chat. 
« les pantoufles grimacées » (l.6). Ces vieilles pantoufles soulignent l'avarie du personnage. 
Au début, on a une vision globale : « bonnet » (l.5), pantoufle (l.6). 
Tout le portrait est fait par petites touches : ce personnage est un personnage négatif dans le roman. 

3°) Embonpoint du personnage 
l.8 : « les mains potelées », « sa personne dodue » 
l.9 : « son corsage trop plein » 
l.16-17 : « l'embonpoint », « grassouillette » 
Balzac veut nous montrer que Vauquer s'engraisse sur ces pensionnaires : elle mène une vie sédentaire. 
Il insiste sur cette mauvaise graisse car elle est apparemment malade : points négatifs. 
l.16-17 : « son embonpoint blafard » 
L'univers où elle vit est malsain. 

4°) Comparaison avec des animaux 

l.8 : « un nez à bec de perroquet » : elle est bavarde et répète mécaniquement les mêmes choses non intéressantes. 
l.9 : « un rat d'église » : cela évoque les lieux malpropres, un animal répugnant. Cela a donc une connotation négative et péjorative sur le décor où elle vit. 
Ensuite, on découvre en elle l'hypocrisie : « l'oil vitreux » (l.24). 
l.24-25 : elle a « l'air innocent d'une entremetteuse ». 
l.26-27 : on a une allusion à Cadoudal et à Pichegru : « à livrer Georges ou Pichegru ». ces derniers ont comploté contre Napoléon 1er et furent arrêtés en 1804. Balzac était monarchiste comme eux et étaient donc comme Bonaparte. Cela nous montre le comble de la trahison qu'à Vauquer. Balzac annonce aussi un terme qui sera développe ultérieurement : ce sera la dénonciation du bagnard Vautrin par Michonneau. 
l.28-29 : « les pensionnaires qui la croit sans fortune ». C'est dernier se trompe, elle a donc de l'argent et fait la comédie pour se faire passer pour pauvre. 


B ) Propos rapportés des personnages 
1°) Mme Vauquer 
l.24 : « les femmes qui ont eu des malheurs ». C'est écrit en italique car c'est ainsi que Vauquer se fait passer. Cela suggère des problèmes financiers ou sentimentaux. 
Mme Vauquer représente un type à toute une catégorie d'individus. A travers un individu, Balzac montre une catégorie sociale ou psychologique. 
Toute la fin du texte va faire parler Vauquer. 
l.32-33 : « ne lui aurait laissé les yeux que pour pleurer » 
Tout le passage est au style indirect libre, ainsi on voit mieux la façon dont il s'exprime. 
Avant qu'elle n'ait parlé à quelqu'un, on a sa façon de s'exprimer. Elle joue souvent la comédie. 

2°) L'entourage 
l.28 : « elle est bonne femme au fond » : la plupart de ces pensionnaires la plaignent alors qu'ils sont plus pauvres qu'elle. 
C'est un personnage impitoyable car elle règne avec sa pension : elle est redoutée. 
l.35-36 : « en entendant trottiner sa maîtresse, la grosse Sylvie, s'empressait de servir » 


II ) LE PERSONNAGE ET SON DECOR 
L.9 : « sa personne dodue [.] sont en harmonie avec cette salle ». 
Le personnage et le décor sont étroitement lié. 


A ) Harmonie implicitement exprimée 
1°) Utilisation de termes abstraits / concrets 
Pour montrer le rapport entre le physique et le matériel, il utilise des mots concrets. 
l.10 : « cette salle où suinte le malheur » (sens concret : 's'écoulait rapidement') 
l.10 : « où s'est blotti la spéculation » (mélange de termes abstraits et concrets) 

2°) Utilisation de termes Vauquer / La pension 
Balzac donne l'ambiance du décor : vieux, laid, délabré (ridé), ambiance désagréable (renfrognement). 
l.12 : « la gelée d'automne » 
l.13 : « les yeux ridés » 
l.14 : l'amer renfrognement de l'escompteur » 

3°) Pour décrire Mme Vauquer, Balzac utilise des termes qui conviennent à un bâtiment 
l.20 : « l'étoffe lézardée » : Vauquer est une ruine. 


B ) Liens explicites entre le personnage et le décor 
1°) Phrase des lignes 20 à 22 
Son jupon résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. 
Balzac donne une valeur exemplaire : c'est elle qui explique tout le milieu, elle est au centre de la pension. A travers elle, on comprend le milieu où vont évoluer les personnages. C'est à travers elle que Balzac va lancer l'intrigue de son roman. 

2°) Structures de phrases 
Mme Vauquer Verbe La pension 
Sa face vieillotteSes petites mains Sont en harmonie Avec cette salle 
Mme Vauquer Respire L'air chaudement fétide 
Sa figure, ses yeux enfin toute sa personne Expliquent La pension 

La pension Verbe La pension 
La pension Implique Sa personne 

Les verbes sont au présent et indiquent la généralité, la permanence. 


C ) Explication scientifique 
Mme Vauquer a créé son décor selon elle, selon son caractère : le personnage modèle le lieu selon son tempérament et son image. Mais le milieu va lui-même influencé sur eux. Il y a double influence. DARWIN, naturaliste anglais (1809-1882) a étudié l'influence des milieux sur les espèces. Le Père Goriot, dédié à Geoffroy de Saint-Hilaire, a montré le scientifique : « la société ne fait-elle pas de l'homme suivant les milieux où son action se déploie autant d'hommes différents qu'il y a de variétés en zoologie ». 
Balzac montre toujours que le milieu reflète les personnages à double titre. 
A travers le Père Goriot, Balzac nous montre ses lois scientifiques. 
l.18 : « le typhus est la conséquence des exhalaisons d'un hôpital ». 



Conclusion 
A propos de ce texte, on peut donc parler du réalisme de Balzac mais ce réalisme est dépassé par les symbolismes des descriptions. Les détails sont triés, choisis pour dégager une signification : le réel est donc transfiguré : il est exagéré et grossi pour être parlant. 
Balzac a réussi à donner du relief à la médiocrité et de la force à la mesquinerie. Mme Vauquer reste une figure inoubliable de la Comédie Humaine. 

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